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Des banques de détail françaises moins performantes que leurs homologues européennes

L’analyse des résultats 2021 des principales banques de détail européennes confortent une tendance longue de plusieurs années dans le secteur : les banques françaises performent moins que leurs homologues européennes (cf. figure n°1). En dépit d’une légère amélioration de leur coefficient d’exploitation1 (CoEx) moyen qui atteint 68% (-2%), les banques françaises sont distancées par les principales banques européennes (CoEx moyen : 50%). L’écart se creuse même légèrement cette année, malgré une augmentation de 3% du PNB pour les banques françaises. Les coûts sont la cause de cet écart : s’ils ont baissé de 2% pour les banques européennes (hors France) entre 2019 et 2021, ils ont augmenté de 1% pour les banques françaises.

Figure 1 : Comparaison du CoEx des principales banques européennes en 2021 (en %)

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Source : Rapports annuels d’un panel de banques européennes2

La banque de détail doit réduire ses coûts pour améliorer sa performance

Le modèle de la banque de détail française doit donc se réinventer afin de redresser sa rentabilité. Plusieurs constats permettent d’identifier des gisements de gains importants :

  • Les banques nationales sont moins performantes que leurs confrères mutualistes (cf. figure n°2) qui bénéficient d’une forte dynamique commerciale rendue possible par leur proximité client ;
  • Les banques françaises disposent d’une marge de manœuvre importante avec 30% de leurs coûts dus aux frais de personnel en agence. Cela permet de mesurer l’impact que pourrait avoir une stratégie de maillage territorial plus pointilleuse : moins d’emplacements d’agence (en France : 33 agences pour 100k habitants vs 18 en Europe), réduction de taille, mutualisation des profils experts entre plusieurs agences ;
  • Les banques atteignant une taille critique parviennent à réduire leurs coûts : fonctions support, back office, marketing, etc. L’exemple de la banque Crédit Mutuel Arkea illustre bien cela : en dépit de son modèle mutualiste, sa petite taille ne lui permet pas de réaliser suffisamment d’économies d’échelle pour obtenir la rentabilité souhaitée (CoEx : 76%).

Figure n°2 : Comparaison du CoEx des banques de détail françaises : 2019 vs 2021 (en %)

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Source : rapports annuels 

Réduire ses coûts pour performer & investir pour se transformer : deux chantiers aux dynamiques antinomiques

Si les exigences court-termistes imposent aux banques françaises de réduire leurs coûts, elles ne doivent pas omettre la nécessité d’investir massivement dans leur transformation pour ne jamais se laisser distancer par les néobanques. Tout en conservant leurs forces (service de proximité, expertise métier, maillage territorial existant), les banques doivent massivement développer leur offre : meilleure segmentation et personnalisation de l’offre, commercialisation de produits ESG, exploitation des données, etc. Il s’agit de « révolutionner » la banque de détail en mettant en mouvement dans des temps courts des ressources rares (fonds propres et collaborateurs) et abondantes (données, technologie).  Les chantiers potentiels sont pléthoriques et doivent être menés de concert avec des exigences plus court-termistes de rentabilité et de réduction des coûts.

Fusion SG / Crédit du Nord : la création d’une « banque géante » pour générer un choc de performance

C’est donc un véritable « choc » qui attend la plupart des banques de détail françaises. Cela, la Société Générale l’a bien compris en annonçant en septembre 2020 l’absorption, par son réseau d’agences, de celui de sa filiale Crédit du Nord. Depuis son rachat en 1997 par la Société Générale à Paribas, le Crédit du Nord a conservé sa propre offre, son fonds de commerce et son modèle décentralisé, régional et familial, à rebours de celui de la SG, plus industriel et centralisé.

Aujourd’hui, en dépit d’un PNB de 7,8 Mds € en 2021 qui classe le Groupe Société Générale au 3e rang des banques de détail françaises, ses coûts restent à un niveau structurellement élevé. La conséquence directe est une rentabilité en berne, avec un CoEx supérieur à la moyenne nationale (72% en 2021 vs. 68% en France).

La Société Générale a donc adopté la stratégie du « choc » en refondant significativement son modèle.  Le groupe va s’inspirer du modèle Crédit du Nord avec des banques « PME régionales » et des agences locales à moins de 2h de trajet du siège. Cela doit permettre la création d’une banque géante de 10 millions de clients particuliers dans une logique « 1 banque, 1 réseau, 1 siège, 1 SI », Boursorama n’étant pas concerné à ce stade. La fusion s’accompagne d’une rationalisation importante des deux entités en réduisant les doublons existants (agences physiques, Back-Office, fonctions transverses, informatiques, etc.) et en adoptant une logique de spécialisation. Les objectifs de rationalisation sont très ambitieux, avec plus de 10% de réduction d’effectifs, et plus de 40% de réduction du volume d’agences et de back office :

Figure n°3 : Impacts projetés de la fusion Société Générale / Crédit du Nord

Figure 3

Source : Le Monde, 12 octobre 2021, « La fusion Société générale-Crédit du Nord entraînera 3 700 suppressions de postes d’ici à 2025 »3 

Cette fusion sera également caractérisée par une stratégie de marque inédite avec une nouvelle marque nationale associée à certaines marques régionales issues du Crédit du Nord (Marseillaise de Crédit, Laydernier, Courtois). Avec la mise en œuvre de cette stratégie volontariste, la Société Générale espère réduire ses coûts de 450 millions d’euros d’ici 2025.


 

[1Coefficient d’Exploitation – CoEx : ratio traduisant la performance financière d’une entreprise prenant pour formule [Coûts / Revenus = X %]
Note : plus le CoEx est bas, plus la performance est élevée

[2] Royaume-Uni : HSBC / Barclays / Lloyds / NatWest Group
Allemagne : Deutsche Bank / Commerzbank
Espagne : Santander / BBVA / CaixaBank
France : LBP, BNPP, SG, LCL, Arkéa, Crédit Mutuel, Crédit agricole, Caisse d’épargne, Banque populaire
Italie : UniCrédit / INTESA
Norvège : Nordea
Pays-Bas : Rabobank / ING
Suisse : UBS / Crédit Suisse

[3] Source : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/12/la-fusion-societe-generale-credit-du-nord-entrainera-3-700-suppressions-de-postes-d-ici-a-2025_6098009_3234.html

 


 

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Théo D., Senior Consultant | Banking & Insurance

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Nicolas K., Senior Consultant | Banking & Insurance

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Giovan-Sandji B., Senior Consultant | Banking & Insurance